Tour du Monde en 300 jours

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83 - Infernale mais Géniale : la BR 156 !

            Je m'aperçois, en consultant mon ""Cahier de Bord", que j'ai zappé la journée de mon arrivée au port de Santana d'où j'ai dû prendre un transport pour parcourir les 25 km qui me séparaient de Macapa. D'après mes photos, je suis repartie quelques heures plus tard avec le bus de la Compagnie "Santanense" qui fait régulièrement le trajet "Macapa - Oiapoque", jusqu'à la frontière française. Et oui ! nous avons une frontière avec le Brésil ! pas pour notre bonheur, vu le nombre de migrants clandestins créteurs de violence et d'orpailleurs tout aussi clandestins qui ravagent notre portion d'Amazonie.
             Pour le moment, je suis dans mon bus, encore plus vétuste que notre lancha qui, au moins, avait caché ses blessures de guerre sous une récente peinture blanche.
Lui, il est misérable, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur et il le sera encore plus à notre arrivée, 26 heures de galères plus tard !
            Nous sommes en pleine saison des pluies. Ces Brésiliens n'ont peur de rien : c'est réellement la route de l'impossible ! et je plains surtout notre chauffeur qui est seul responsable à bord. Nous roulons tant bien que mal sur la fameuse BR 156 qui, sur 700 km, traverse la Forêt Amazonienne dont la topographie est une succession de petites ou plus grandes collines. La piste en latérite (terre rouge ferugineuse, typique des régions tropicales) monte et descend une multitude de tobogans complètement défoncés et ultra glissants.
            Toutes les 15 ou 30 minutes, notre chauffeur nous demande de sortir pour alléger le véhicule. Nous allons pieds nus, car impossible de garder des chaussures à nos pieds dans cette boue aspirante et visqueuse qui fait ventouse et refuse de nous les rendre quand elles sont au fond de l'ornière. Après avoir dû plusieurs fois plongé mon bras dans cette gadoue pour récupérer mon bien, j'ai renoncé et fait comme les Brésiliens minimalistes : j'ai laissé tongues et baskets dans le bus. Dur dur pour moi qui ai les pieds assez sensibles : il y a pas mal de cailloux dans cette mélasse !
            Les Brésiliens prennent les choses avec beaucoup de philosophie et garderont le sourire jusqu'à la fin de l'aventure : voilà un point où, tout de même, je les admire.
            En pleine nuit, alors que notre chauffeur réveillait les endormis en nous demandant, pour la ième fois, de quitter le bus, j'entends une voix bourrue parler en Français : "Merde ! font chier ! je bouge plus !". Je m'approche de cet homme pour lui dire avec humour :"Fallait bien que le seul râleur soit un Français !". Il s'agissait d'un légionaire temporairement muté en Guyane. Nous avons discutté un moment et continué l'aventure ensemble. J'admire aussi les jeunes enfants qui supportent ce turbulant voyage sans broncher. L'exemple des parents doit y être pour quelque chose.
            De temps en temps notre véhicule bondit sur une bosse ou bien s'affaisse dans une ornière, nous entendons un gros "Craac" qui nous fait douter de la suite du voyage.
La portière des passagers a littéralement explosé, se propulsant sur la piste. cela brasse de l'air et c'est très bien. Une des marches en aluminium nous a quittés elle aussi et le vide qu'elle a laissé n'est pas facile à enjamber pour la descente et la remontée du bus ! Quelques heures plus tard, c'est le pare-choc qui s'éffondre sur la piste et n'est même pas récupéré à cause de la côte et du risque de ne plus pouvoir la grimper sans élan. Pourvu qu'il nous reste au moins quatre roues aux bons endroits ! nous croisons quelques voitures enlisées presque jusqu'aux vitres, un camion coincé en travers de la piste nous bloquera pendant 6 heures et nous aurons besoin de son aide pour nous remorquer jusqu'à la prochaine pente. Bien sûr, tout le monde s'enlise, tout le monde s'entre aide, si bien qu'au bout d'un moment on ne sait plus qui est capable de remorquer l'autre ! Quand l'un est sorti d'affaire il tente de remorquer celui qui l'a aidé et s'enlise à nouveau ! Une vraie pagaille à la brésilienne, vraiment comique ! Les hommes braillent des conseils, moi je profitte de chaque arrêt intempestif, souvent prolongé par les tentatives de réparations, pour m'echapper et explorer prudemment cette forêt grandiose. J'ai pu photographer plusieurs Aras qui, du sommet de leur arbre géant, contemplaient la folie humaine. J'ai croisé un Tamarin (sorte de petit singe à tête de lion), j'ai aperçu un Tamanoir que je n'ai pas eu le temps de photogtaphier, d'où une grande frustration : il est le seul gros animal endémique à l'Amazonie que je n'ai pas encore dans ma" boite à images".
             Les 'embourbages", crevaisons, odeurs inquiètantes de "brûlé", bricolages etc...n'ont pas cessé pendant ces 700 km parcourus en 26 heures au lieu de 10, jusqu'à ce que nous rejoignions -Ouf !- les uniques 20 derniers kilomètres où la route est enfin
asphaltée.

             Ce fut comme une brusque sensation de légèreté, de flottement, l'impression d'avoir quitté le sol, exprimés par les joyeux cris de soulagement des passagers et les applaudissements frénétiques !
              Les gémissements de notre bus ont cessé : lui et son conducteur doivent être épuisés ! Merci à eux !

                                                 A SUIVRE...





























 



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