Tour du Monde en 300 jours

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85 - Iracoubo, ma mémoire et mon rêve...

            
             C'est en l'An 2000 que j'ai, avec mon "petit dernier" de 14 ans, foulé pour la première fois le sol Guyanais. Nous y étions restés 4 mois, la Guyane étant un département français il avait été facile d'inscrire Andric dans un collège local. Ne connaissant rien de ce territoire, nous ne savions pas trop où nous installer. Andric souhaitant vivement approcher la communauté amérindienne, notre choix final c'était porté sur Iracoubo : une petite ville à l'aspect tranquille, à forte densité amérindienne, située idéalement à mi-chemin entre l'Est et l'Ouest Guyanais sur le trajet de l'unique route nationale de l'époque. La forêt est proche, ainsi qu'une belle mangrove : là avait été la surprise  ! D'après la carte géographique j'avais cru comprendre qu'Iracoubo, étant installée en bord d'océan, possédait quelques plages...C'est seulement sur le terrain que nous avons réalisé que les fameuses plages avaient dispari depuis une quarantaine d'années, remplacées par cette mangrove.
             Mais les plages ne nous ont même pas manqué tant nous étions intéressés par la faune variée et les magnifiques palétuviers de cette fameuse mangrove.
             Seul bémol pour Iracoubo : les moustiiiiiques !!! Entre la mangrove de l'océan et celle du fleuve, Iracoubo est litéralement encerclée. Les moustiques sont une guerre quotidienne en saison des pluies : la mangrove est leur paradis.
             Mais nous avons AIME Iracoubo, ses habitants, accueillants et discrets, sa forêt environnante. Mon coeur s'y est tellement attaché que j'ai décidé d'y retourner avec Andric pour un séjour d'une année entière, abandonnant mon mari (qui nous y rejoindra quelques temps, ainsi que mon fils aîné) et mes autres grands enfants pour cette forêt si proche dont j'avais gardé une terrible nostalgie. Encore maintenant, cela me colle au coeur...Depuis 20 ans, les histoires de  "mamie" avec lesquelles je tiens en haleine mes petits-enfants, sont encore et toujours des aventures amazoniennes, vécues ou imagnées...Et ils en redemandent !
             C'est donc avec beaucoup d'émotion que je passe, dans le taxi-co, le joli pont multicolore , que je descends devant le "Chinois" et retrouve l'agréable pension "Chez Floria" où m'attend la même petite chambre dans laquelle nous avions fait, avec Andric, nous premières expériences Guyanaises 7 ans plus tôt..
            Les Guyanais sont discrets, je le suis aussi. Je ne clame pas ma présence, le bouche à oreille suffira, ce qui n'a pas tardé : alors que je me dirigeais comme atirée par un aimant, vers la forêt pour y randonner, un gros 4x4 s'arrête à mon niveau, un visage brun et souriant m'interpelle : "Ma femme m'avait bien dit qu'elle avait vu la "Dame de chez Floria" ! alors vous êtes revenue ? il faudra passer à la maison !" Je suis touchée par l'accueil qui m'est fait tout au long des jours. Pour les habitants, je suis "la Dame de chez Floria" ou "la Maman d'Andric" qui leur a laissé, je l'ai constaté, un souvenir impérrissable et très amical. Je suis fier de mon fils : il a su se faire aimer des Créoles autant que des Amérindiens et des autres nombreuses éthnies.
           J'ai retrouvé aussi la petite bande d'enfants du "soutien scolaire" : eux aussi m'ont reconnue et j'ai eu quelque peine à m'en défaire pour retrouver tranquillement  le petit ponton sur l'Iracoubo où je dessinais et rêvassais souvent devant le lever du soleil.
           Le ponton a disparu, ou alors il est noyé sous les hautes eaux de la marée montante. Mais...oh ! quelle émotion ! ...5 ans plus tard : je retrouve les restes du radeau d'Andric ! ce radeau fabriqué par lui-même en troncs de "bois-canon" (cécropia). Quelques troncs étaient encore accrochés entre eux par des ficelles qui ont remplacé les lianes d'Andric. Des jeunes ont peut-être tenté de le remettre à l'eau. J'ai immédiatement envoyé une photo MMS à mon fils qui l'a tout de suite reconnu !
           Une autre émotion m'attendait sur le bord de la nationale : j'aperçois au loin  un "truc" bizarre, une forme arrondie...comme un vieux pneu abandonné...c'est assez commun en Guyane. En m'approchant, je n'en crois pas mes yeux ! un PARESSEUX ! "Bradipus Tridactilus", le plus beau spécimen dont le pelage s'orne d'une "flamme" orange, brune et noire sur le haut du dos. L'animal, assis sur ses fesses, m'accueille de son plus beau "sourire"...je suis sous le charme. A ce moment, un fourgon de police s'arrête non loin de moi. On me demande si je vais bien (c'est vrai que je suis accroupie auprès de mon animal et qu'il ne l'ont pas vu.) et, en plus, les marcheurs sur le bord de la route sont rares. Mes gendarmes insistent un peu "vous vous promenez...pour... quoi ?" je m'éloigne du Paresseux pour m'approcher d'eux :"J'espère rencontrer des animaux, tout simplement ! et d'ailleurs je viens de croiser un paresseux" l'un des gendarmes s'exclame "Où ça ? je n'en ai jamais vu !" et me voilà, entourée d'une demie-douzaine de flics, dont deux venaient d'un second fourgon qui les suivait, leur présentant mon délicieux paresseux, qui avait gardé le sourire !!!
           Ce fut un agréable moment d'échange et d'humanité, le doux sourire de notre paresseux y est pour quelque chose, j'en suis certaine !


           J'ai passé une grande journée à refaire ce que j'appelle "mes sentiers de souvenirs"...Counamama, l'immense zone forestière protégée où j'ai souvent randonné et bivouaqué avec Andric, juste après le "quartier" Hmong. J'aime ce peuple discret qui, en quelque sorte, nourrit la Guyane, grâce à son agriculture chevronnée (ravageuse de forêt, malheureusement). Ce sont les fameux réfugiés dont les médias parlaient dans les années 70 : les "Boat people" fuyant les persécutions communistes au Laos,Cambodge, Vietnam...Ils sont principalement concentrés à Cacao, qui pourrait être leur "capitale ethnique" dans l'Est guyanais, et à Javouhey, dans l'Ouest près de Mana. De l'autre côté du fleuve Counamama, il y a aussi l'un de mes lieux de randonnée préféré, uniquement à cause de l'atmosphère qui s'en dégage. "Mystère", "Douceur", "Solitude" sont les trois premiers mots qui me viennent à l'esprit lorsque j'évoque ce lieu mystique qu'est le Cimetière des Pères. Pour rejoindre cet endroit, il faut parcourir 15 km de Nationale, puis 8 km d'une étrange piste faite tantôt de sable blanc, tantôt de latérite rouge : l'effet est surprenant de beauté. On traverse la plus grande savane  de Guyane (2000 Ha d'un seul tenant) souvent inondée dans laquelle se reflêtent, par petites touches, les rayons du soleil. Puis des zones d'étangs ombragés par d'élégants palmiers-bâches, de surprenants rochers arrondis comme le dos d'un tamanoir, et de la même couleur, posés ça et là. On peut y rencontrer le tamanoir creusant dans les termitières géantes. Quand on arrive enfin au bout de la piste, presque au bord du fleuve, un grand "Carbet-Autel" nous offre son abri : c'est là qu'ont lieu, une fois par an, les commémorations religieuses du sacrifice des Pères réfractères, ces prêtres qui, ne voulant pas se soumettre aux directives totalitaires du gouvernement de l'époque, (après 1789) ont été éxilés et sont morts dans cette sore de "camp de concentration". Il ne reste que le petit cimetière où ils ont été inhumés. Moi qui n'aime ni les histoires de religio, ni les cimetières, sans même connaître le drame qui s'était perpétué en ces lieux, j'ai toujours été sensible à son atmosphère triste mais sereine. Ce sentiment a sans doute contibué à mon attirance pour ces lieux. Je ne reviens jamais en Guyane sans dormir au moins une nuit dans le confort du carbet, à l'orée de la forêt. De la hauteur de mon hamac, je domine cette belle et vaste savane, si vivante malgré le silence dominant.
             Un autre lieu de prédilection : la Savane Fièvée. Elle doit son nom, paraît-il, aux fièvres qui touchaient les personnes qui allaient à cet endroit...est-ce une légende ?
             J'ai de cet endroit, un souvenir très intence. C'est là qu'Andric avait laissé son vélo pour s'enfoncer dans la mangrove puis aller sur le fleuve à l'aide d'un radeau fabriqué par ses soins en troncs "Bois Canon" et attachés entre eux  par des lianes.
             Huit heures d'une nuit d'angoisse  pour moi ! 6 heures de recherches de la police, des pompiers qui redoutaient qu'il se soit laissé enttaîner vers le dangereux estuaire, des Amérindiens et de leurs pirogues...C'est seulement vers 2 heures du matin que mon fils est réaparu, par ses propres moyens. J'étais tellement enfoncée dans ma détresse que je n'ai étrangement pas réussi à me réjouir vraiment de son retour.  Dix sept ans plus tard, j'ai du mal à en parler sans qu'apparaissent les larmes...
             Malgré ce néfaste souvenir, Iracoubo et ses environs resteront l'endroit où mon coeur aurait souhaiter se fixer. J'ai d'ailleurs entrepris les démarches administratives pour l'acqisition d'un tout petit morceau de cette Amazonie qui s'accroche à mes rêves...
            
             Ma grande aventure touche à sa fin. Je vais devoir quitter ces lieux chéris pour retrouver Sinnamary d'où, trois jours plus tard, ma gentille amie Receveuse me conduira  à Cayenne pour y revoir d'autres précieux amis avant le Grand Retour...


                                                    A SUIVRE...























 



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